Zhu Xiao-mei

Publié le par Margotte

rien de tel pour retrouver une certaine sérénité d'écouter Bach... et par Zhu Xiao-mei j'aime décidément beaucoup... après les Variations Golberg, j'ai acheté le 2ème livre du Clavier bien tempéré...deux cd de bonheur même si je préfère les Variations...



les variations Goldberg
http://www.youtube.com/watch?v=zifdMxf_pbo&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=szHAvC_uvQI&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=910mMjKfPyI&feature=related

Rescapée des camps communistes, Zhu Xiao-mei vit aujourd’hui à Paris où elle enseigne au Conservatoire supérieur de musique. Elle publie ses souvenirs et entame une tournée en France.

On l’a longtemps trouvée trop discrète, Zhu Xiao-mei. On la savait excellente pianiste, musicienne pleine de pudeur et de profondeur, deux qualités inadaptées pour faire carrière dans un monde où même la musique classique est gagnée par les paillettes et le marketing. Elle sort pourtant de sa réserve, avec un concert à la Cité de la musique samedi qui prélude à une grande tournée en France, et la sortie de deux disques chez Mirare : une réédition (les Variations Goldberg , publiées précédemment chez son label habituel, Mandala) et une nouveauté (le deuxième livre du Clavier bien tempéré ), avec pour point commun Bach, la bible des musiciens.

C’est donc le moment de faire mieux connaissance avec la femme et son destin. D’autant qu’elle raconte son histoire dans un livre aussi bouleversant que captivant : La Rivière et son secret (Robert Laffont). Même lorsqu’on avait le privilège de connaître déjà cet être rare, on se rend compte que l’on n’avait pas pris la mesure des épreuves qu’elle avait subies. À la lecture de ses souvenirs on découvre une vie commencée dans un rêve et poursuivie dans un cauchemar, celui de la Chine maoïste et de la Révolution culturelle. Fille de bourgeois désargentés, Zhu Xiao-mei grandit dans le goût de la civilisation européenne et, lorsque sa mère fait livrer à la maison un piano, elle finit par si bien apprivoiser l’instrument qu’elle est admise au Conservatoire de Pékin en 1960.

 

Le travail forcé aux champs

 

Son maître, Pan Yiming, lui apprend que la musique est non seulement affaire d’exigence technique mais aussi de culture et de maîtrise de l’esprit et du corps. Il initie la petite fille au monde de Bach et de Beethoven, mais en 1964 tout bascule : la musique occidentale, considérée comme bourgeoise, est interdite en Chine. Au Conservatoire, l’étude des partitions laisse place à celle du Petit Livre rouge et à d’interminables séances d’autocritique publique. Suspecte à cause de ses origines aisées, Zhu Xiao-mei est mise au ban. Au lieu de se rebeller, elle n’aspire qu’à une chose : être une bonne révolutionnaire. Elle ira jusqu’à dénoncer son père et assistera sans pouvoir rien dire à l’humiliation de son professeur.

C’est ensuite le travail forcé aux champs, comme pour tous les intellectuels, et finalement la déportation : elle reste cinq ans dans un camp. Elle y oublie l’existence de la musique jusqu’à ce que le son d’un accordéon lui fasse prendre conscience du manque ressenti. Elle se procure clandestinement des partitions et, à la faveur d’un adoucissement des conditions de détention, parvient à faire acheminer son piano : elle joue Bach en faisant croire aux gardiens qu’il s’agit de musique populaire chinoise (la seule autorisée !).

Après avoir été privée de dix ans de sa vie, l’artiste émigre en 1980 aux États-Unis où elle est serveuse de restaurant avant de s’inscrire au Conservatoire de Boston et de reprendre les choses de zéro sous la houlette du grand Rudolf Serkin à l’université de Marlboro. Peu à l’aise dans l’American way of life , e lle s’installe voilà une vingtaine d’années à Paris où elle habite au bord de la Seine : en face de la Conciergerie.

Lorsqu’on la rencontre, Zhu Xiao-mei préfère parler de musique que de son passé : en Chine, on n’est pas habitué à se livrer (elle n’a même pas dit à son père qu’elle avait écrit ses Mémoires), et l’on sent qu’elle craint confusément d’être réduite à cette étiquette de victime de la dictature alors qu’elle est avant tout musicienne. Mais si elle a tout couché par écrit, c’est parce qu’elle ne supporte pas l’idée que les crimes de Mao ne soient toujours pas jugés : «Je pardonne à tous sauf à Mao.»

Après avoir rejeté sa propre culture, elle s’est passionnée pour Lao-Tseu. Dans une œuvre musicale, elle recherche avant tout le sens : c’est pour cela qu’elle ne joue que les chefs-d’œuvre de Bach, Beethoven, Schubert. «Je suis pessimiste, je vois le monde en noir, sans couleurs. La lumière est source de sérénité, ces musiques me permettent parfois dela trouver.» La philosophie chinoise lui a appris que ce n’est pas la puissance qui l’emporte, mais la patience.

Reste que pour elle, aujourd’hui, tout va trop vite, y compris dans le monde musical où l’on veut réussir vite et sans travail de longue haleine. Ce qu’elle recherche quand elle joue n’est rien d’autre que la meilleure qualité de silence possible. Pour cela elle est impitoyable avec elle-même. «Parfois, après un concert, j’ai envie de rembourser le public !»

Christian Merlin - Le Figaro
13/12/2007

Publié dans le coin musique

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